Belgique : Van Rompuy va partir et BHV va revenir

La Belgique est ingouvernable.

La tension est très forte entre flamands (néerlandophones) au Nord et francophones, les premiers exigeant plus d'autonomie, alors que les derniers veulent à tout prix conserver une Belgique unitaire.

Ce problème se cristallise particulièrement sur l'arrondissement électoral Bruxelles-Hal-Vilvorde, dernier héritage de la Belgique d'avant le fédéralisme, et sa scission impossible : les francophones réclament en échange l'élargissement de Bruxelles (majoritairement francophone) à quelques villes de sa banlieue, en Flandre mais majoritairement francophones, ce que refusent catégoriquement les Flamands.

Il y a plus de flamands que de francophones en Belgique, ce qui se reflète évidemment à l'assemblée. En novembre 2007, ils ont profité de cet avantage numérique pour voter la scission de BHV.
Pourtant, deux ans plus tard, la situation est toujours au point mort.

Il existe en effet, dans le réglement de la Chambre des représentants (article 102), une procédure de conflits d'intérêt : une région ou une communauté linguistique peut demander de suspendre l'examen d'une loi (ou d'un projet de loi) lorsqu'elle estime être gravement lésée par celle-ci ; cela repousse de 4 mois l'examen, le temps de débattre pour résoudre le problème.
Le parlement de la Communauté française de Belgique (wallons et bruxellois francophones) a donc enclenché cette procédure suite au vote flamand de novembre 2007. Mais comme cette question empoisonne la vie politique belge depuis une dizaine d'années, quelques mois supplémentaires n'ont rien changé.
Lorsqu'il aurait fallu aborder à nouveau la question au Parlement fédéral, c'est la COCOF (francophones du parlement de Bruxelles) qui a déclenché cette même procédure, suivie quelques mois plus tard par le Parlement wallon.

Il y a quelques semaines, ce 3ème conflit d'intérêt se terminait, et les francophones avaient épuisé toutes leurs possibilités. On allait enfin parler à nouveau de BHV.
Mais là, c'est le parlement de la communauté germanophone (quelques communes à l'est de la Wallonie, au bord de la frontière allemande) qui s'y est mis !

Le débat sur BHV aura donc lieu début 2010, enfin !
Mais les 2 ans supplémentaires offerts par la cascade de conflits d'intérêt n'ont servi à rien. La situation n'a pas bougé d'un iota : le point mort.
Pourquoi ? Après les élections législatives de juin 2007, il a fallu 6 mois pour former un gouvernement (en Belgique, les parlementaires sont élus à la proportionnelle, ce qui rend obligatoire les coalitions). À chaque fois, l'accord échouait, à cause des questions communautaires entre Flamands et francophones (BHV, essentiellement).
Jusqu'à ce qu'ils finissent par se dire qu'il était temps de former un gouvernement malgré tout, et qu'on réglerait BHV plus tard. Le leader flamand Yves Leterme, très populaire chez les siens et très impopulaire chez les Wallons, est enfin devenu premier ministre. Mais, dès qu'on a essayé de reparler de BHV, le gouvernement a failli ne pas y survivre, alors on a ensuite soigneusement évité la moindre évocation du sujet.

D'autant plus qu'une préoccupation encore plus importante s'est imposée : sauver les banques belges, très touchées par la crise mondiale. Dexia fut renflouée grâce aux Français, en échange de quoi Fortis Belgique fut offerte à BNP Paribas. Tellement n'importe comment (sans le moindre conseil d'administration de Fortis) que les juges ont annulé la décision, non sans révéler que Leterme avait exercé des pressions sur eux. Il dut démissionner, et fut remplacé au 16 par Herman Von Rompuy, un autre membre de son parti, bien mieux accepté par les francophones.

Les banques sauvées (Fortis étant finalement vendue à BNP Paribas, mais de manière légale cette fois-ci), le problème BHV mis de côté, un premier ministre consensuel… La Belgique commençait à tourner à nouveau à peu près rond.
Un an sans crise politique, voilà l'exploit (devenu majeur dans une telle poudrière) qu'avait réussi Herman Van Rompuy.

Mais voilà, sa capacité à gérer les situations compliquées a été remarquée par les autres pays de l'Union Européenne, qui ont décidé d'en faire le président du Conseil Européen. Ce qui prive la Belgique du seul homme arrivant à la gérer correctement, et ceci à quelques semaines du grand débat final sur BHV.

Et on parle déjà du retour d'Yves Leterme comme premier ministre…
L'année 2010 s'annonce explosive pour la Belgique.

Commentaires

  1. Euuh, Vinz, j'aime bien vos billets d'habitude, mais là, il me semble quand même que vous faites l'impasse sur un fait majeur : la Flandre veut son indépendance, elle veut Bruxelles dans le "package" d'une nation flamande, et les hommes politiques flamands feront tout pour que ça se produise. C'est même explicitement leur politique depuis BHV.

    Si on ajoute à ça que les partis "modérés" flamands gouvernent en bonne amitié avec un parti de néo-nazis (pas d'euphémismes, quand les leaders du Vlaams se retrouvent régulièrement invités dans des réunions interdites ailleurs en UE, et n'en ont jamais condamné aucune) qui fait quasiment 20 % aux élections et dont les idées sont considérées comme mainstream par les autres partis politiques flamands, Herman Von Rompuy compris, je ne vois vraiment pas en quoi la situation s'est améliorée avec le (j'ose espérer que non) futur président de l'UE...

    La Belgique mérite plus que jamais le surnom de "Balkans froids" , et je trouverais inadmissible qu'un Von Rompuy, qui ne voit pas du tout en quoi le comportement de la classe politique flamande est de plus en plus inadmissible (même s'il "gère" bien le pays Belgique) , dont la région bafoue quotidiennement tout ce pour quoi l'Europe fut fondée, et ce au coeur géographique de cette UE...

    A un moment, l'Europe ne va plus pouvoir se contenter de faire des rapports incriminants quand au comportement d'une région qui bafoue semaine après semaine les libertés publiques les plus essentielles (genre : élire ses élus, ou avoir des emplois publics dans Bruxelles qui compte pourtant quasi 85 % de francophones) , balayés par la classe politique flamande d'un revers de la main au nom d'un aussi hypothétique qu'hallucinant de sous-entendus glauques "complot francophone" .

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  2. Mon billet était déjà assez long comme ça ;)

    Moi je dirais que la tendance globale en Flandre (dès que les questions communautaires reviennent), c'est : indépendance, quitte à sacrifier Bruxelles...
    De toute manière, ils ne peuvent pas avoir Bruxelles (même si c'est leur capitale) : les bruxellois ne le veulent pas.

    BHV étant la dernière trace de la Belgique unitaire, sa scission sera la première étape de la séparation.
    C'est pour cela que les francophones veulent absolument agrandir BXL pour la rattacher à la Wallonie.

    Deux solutions :
    - les flamands l'acceptent, en échange d'un statut encore plus autonome
    - ils le refusent et font sécession.


    Sinon, certes, je trouve hallucinant, pour une question de symbole, qu'un flamand se retrouve à la tête de l'Europe, alors que c'est sans doute la région la plus nationaliste de l'Europe de l'Ouest.
    Toutefois, dans le CD&V, y a quand même deux lignes bien distinctes : une jusque-boutiste (Leterme) et une plus douce (Van Rompuy).
    Le remplacement du second par le premier à quelques semaines du débat BHV n'est quand même pas une très bonne chose pour le dialogue...

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  3. Le seul scénario envisageable pour les mois à venir est le suivant:
    1 - scission de BHV (sans aucune concession aux francophones)
    2 - suppression des facilités dans les 6 communes périphériques de Bruxelles (sans aucune concession aux francophones)
    3 - création de la Flandre en tant qu'état indépendant avec Bruxelles comme capitale (sans aucune concession aux francophones).

    Qui peut s'opposer à la volonté du peuple flamand, quasiment unanime dans son soiuhait d'indépendance? Sûrement pas les présidents des partis francophones, empêtrés qu'ils sont dans des manoeuvres sans envergures. Il ne s'agit pas d'extrémisme, mais de réalisme politique. Le divorce de la Belgique est consommé...

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  4. 1) Si la scission de BHV se fait en force, sans concessions aux Français, le gouvernement tombe et il sera impossible d'en faire un nouveau. Donc scission flamande à terme.

    Mais le scénario que vous décrivez ne tient pas debout :
    2) La Flandre n'a pas le pouvoir de supprimer les facilités unilatéralement, tant qu'elle est belge. Ce ne peut donc être une étape avant l'indépendance.

    3) Bruxelles est peuplé de francophone à 85-90% et n'a absolument aucune envie de rejoindre un éventuel état flamand… Elle constitue une région-capitale distincte de la région flamande : il n'y a pas la moindre chance qu'un état flamand annexe Bruxelles.

    La Flandre indépendante ne peut avoir qu'Anvers comme capitale.


    Pour le reste : le peuple flamand "quasiment unanime dans son soiuhait d'indépendance", c'est un gros mensonge :
    - les indépendantistes pur et durs sont aujourd'hui minoritaires
    - pour arriver à une majorité (et certainement pas une quasi-unanimité), il faut ajouter tout ceux qui réclament une grosse autonomie, et pour qui l'indépendance n'est qu'une solution de repli envisagée s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils réclament.

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  5. J'ai lu avec attention ce que vous avez écrit à propos de la situation de la Belgique

    Le départ de Van Rompuy pour la présidence du Conseil de l'UE est effectivement un cadeau empoisonné pour la Belgique au moment où allaient s'engager les discussions pour BHV.

    Or, et après avoir passé un an à Bruxelles puis dans la province d'Anvers, je reste convaincu que la Flandre n'a aucun intérêt à la scission de la Belgique. Elle a plus intérêt à maintenir la Belgique actuelle, quitte à se montrer intraitable avec les francophones, que d'exiger la scission.

    Car dans le même temps, elle fait face à un vieillissement de sa population important alors que la Wallonie a une population plus jeune.

    Tout dépendra de l'attitude de Leterme dans les prochains mois sans compter que le plat pays prendra la présidence tournante de l'UE en juillet 2010, ce qui en terme d'image peut être bénéfique !

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  6. Pour moi, la Flandre n'a pas intérêt à une indépendance trop rapide, elle n'y est tout simplement pas prête.
    Après, oui, il y a aussi des raisons démographiques, mais l'éventuelle scission ne se jouera pas sur des choses rationnelles, mais sur l'émotion…

    Les indépendentistes flamands se chargeront bien de ressasser deux siècles de ressentiments.



    L'attitude de Leterme, on la connaît… L'état intellectuel des francophones, la Marseillaise, les démissions tous les 3 mois.
    C'est pas forcément de très bon augure pour résoudre BHV…

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