Belgique : la franchise des socialistes wallons

Est-ce parce que, suite à leur défaite historique aux législatives, ils ne participent pas aux négociations pour la formation du gouvernement qui n'en finissent plus (déjà plus de 15 semaines !), que les socialistes wallons se lâchent et brisent le tabou de la scission de la Belgique ?
En tout cas, ils dépeignent une situation beaucoup moins rose pour l'avenir de la Belgique que celle qu'on peut souvent entendre du côté wallon.

Philippe Moureaux, vice-président du PS, dans une interview au Soir :
Ecoutez, il y a un côté pathétique : les médias interrogent tous les deux jours un Flamand qui est pour le maintien de la Belgique ; on va chercher les Martens, les De Croo ; on sort les drapeaux ; on défile pour la Belgique Tout ça face au bulldozer flamand. Extraordinaire.
Moi, je suis très heureux dans la Belgique fédérale, et je ne demande rien d'autre. Mais cela n'empêche pas d'ouvrir les yeux sur la réalité flamande.
(…)
Le projet de Leterme et du CD&V reste le projet central au Nord : vider au maximum l'Etat fédéral mais en maintenant une structure légère afin de conserver Bruxelles et le poste de Premier ministre.
Bruxelles : car ils se rendent compte que leur idée fumeuse de condominium ne sera jamais acceptée par les francophones.
Le « seize » : parce que l'étiquette Belgique a de la valeur sur la scène internationale.
Dans l'immédiat, ils vont rassurer les francophones par quelques déclarations émouvantes sur le maintien de la Belgique, tout en commençant à racler l'os. Ils sont en train d'obliger les francophones à discuter de matières qui sont des matières d'« essence » pour un Etat. Voilà leur cap. Mais ils y vont par étapes, en grignotant.
(…)
Si l'on prend conscience de l'évolution de la Flandre telle que je l'ai décrite – et je pense qu'intellectuellement, l'analyse est partagée bien au-delà du PS –, alors, il faut être cohérents. D'ailleurs, mon analyse est cruelle pour tous les francophones, pour tous ceux qui croient que rien ne se passe, et il y a des socialistes, bien sûr.
Les francophones doivent se préparer au confédéralisme. Et avoir à l'esprit que si, en Flandre, la minorité des fameux 40 %, l'« aile agissante », approche des 50 %, il faudra se préparer au splitsing. Il paraît qu'on ne peut pas le dire

Élio Di Rupo, président du PS, dans une interview au Soir Magazine :
C'est vrai que dans l'opinion publique francophone, en Wallonie, on sent bien que le fait que les Flamands veulent scinder le pays induit une sorte de tristesse indicible parce que nous aimons notre pays. Mais nous devons faire preuve de lucidité: il arrivera un moment, même si on ne le souhaite pas, où la Flandre voudra voguer de ses propres ailes. Et ce ne sera pas, alors, la peine de dire: ah le bel avion, j'aurais bien voulu être dedans. Ce sera trop tard. Quand l'avion s'en va, il s'en va

Je ne sais qui a raison sur l'avenir de la Belgique. Mais j'étais tellement frappé par ce décalage entre les discours flamands et francophones que je trouve très intéressant que des responsables politiques prennent acte de ce que disent les flamands, au lieu d'espérer que tout finira par se modérer. Si la formation du gouvernement échoue, c'est bien parce que Leterme refuse de modérer son discours, son programme, ce qui le rend (pour l'instant) inacceptable pour ses partenaires francophones au sein d'une coalition "orange bleue".

Je rejoins surtout Moureaux sur l'idée que les Flamands autonomistes/indépendantistes veulent "racler l'os" Belgique. C'est ce que je disais à propos de la N-VA : ces responsables flamands ne veulent maintenir la Belgique pour l'instant qu'afin de profiter de ses avantages, et en aucun cas pour continuer de vivre avec les Wallons.

Commentaires

  1. "ces responsables flamands ne veulent maintenir la Belgique pour l'instant qu'afin de profiter de ses avantages, et en aucun cas pour continuer de vivre avec les Wallons"

    Bravo, il est exceptionnel de trouver quelqu'un qui a si bien compris la situation !

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  2. Merci. J'ai une vision extérieure à la Belgique, donc je suis loin de tout comprendre, mais je pense en tout cas qu'on ne peut à la fois dire "on ne veut plus payer pour votre sécu sociale" et "mais par contre continuez de commercer avec nous comme si de rien n'était".

    À chaque fois, les responsables politiques croient sauver l'unité de la Belgique en cédant un peu d'autonomie, sans se rendre compte qu'ils créent ainsi un appel d'air : la Flandre est tellement contente de l'autonomie qu'elle en veut toujours plus.

    Je pense que la fédéralisation de l'état n'a fait qu'accentuer la division en deux nations.
    Là, les francophones vont être obligés (s'ils veulent qu'un gouvernement soit formé) d'accepter une réforme de l'état. À court terme cela calmera les flamands (et donnera l'impression d'avoir sauvé le pays), mais ça risque de mener à moyen terme vers la scission : plus on donne de pouvoirs à la région flamande, plus cela réduit la peur de l'inconnue en cas d'indépendance…

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