Belgique : la fin approche ?

Cela est passé relativement inaperçu, mais le 1er juin dernier, la quasi-unanimité des députés flamands à la chambre des représentants de Belgique ont voté la prise en considération d'une proposition du Vlaams Belang visant au démembrement de l'état belge.

La fin de la BelgiqueLes tensions communautaires entre wallons et flamands, entre francophones et néerlandophones ne sont pas nouvelles en Belgique : le nationalisme flamand existe depuis de nombreuses décennies, si bien qu'en 1977, Jacques Brel, flamand francophone, s'en prit en chanson aux flamingants (les nationalistes flamands).
Mais, peut-être à cause d'un désir inspiré par l'autonomie de la Catalogne en Espagne et l'indépendance du Montenegro en Serbie, ces tensions viennent de prendre un tournant historique.

En effet, le 18 mai dernier, deux députés fédéraux du Vlaams Belang (extrême-droite, désormais premier parti de Flandre dans les sondages) ont déposé à la chambre des représentants de Belgique une "proposition de résolution relative au démembrement de l'Etat belge en vue d'accorder l'indépendance au peuple flamand et au peuple wallon souverains" (DOC 51 2494/001).

38 pages de rancoeur anti-française, anti-wallonne, contre l'Armée Belge accusée d'être "antiflamande", l'état Belge accusé d'être responsable de "l'amputation de Bruxelles", de l'"oppression linguistique et culturelle de la Flandre", et de "francisation forcée", etc.
La proposition en elle-même est la suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS,
A. considérant que la révolution belge a été une tragédie qui a mis prématurément fin à l’unité des Pays-Bas regagnée en 1815 sous la famille d’Orange-Nassau;
B. considérant que la Flandre n’a jamais voulu la séparation d’avec les Pays-Bas du nord et que la révolution belge fut principalement le fait de Wallons et d’étrangers francophones;
C. considérant que le régime belge a inauguré pour la Flandre une période d’oppression linguistique et culturelle et de déclin économique qui a duré plus de cent ans;
D. considérant qu’il n’existe pas de peuple ni de nation belges, mais qu’un peuple flamand, un peuple wallon et une partie du peuple allemand coexistent sur
le territoire belge;
E. considérant que la Flandre et la Wallonie sont des sociétés totalement différentes ayant des sensibilités, des visions et des préférences différentes, et que ces sociétés ont de moins en moins de choses en commun;
F. considérant que le fait belge a abouti à ce que Bruxelles est aujourd’hui une ville essentiellement francophone et à ce que la Flandre et Bruxelles s’éloignent de plus en plus l’une de l’autre;
G. considérant que la Belgique n’est pas un État démocratique, étant donné que la minorité wallonne y a autant de pouvoir que la majorité flamande;
H. considérant que le fédéralisme belge n’a conféré qu’une autonomie de façade aux Flamands et que ce fédéralisme est une arme dont se sert l'establishment belgo-francophone pour neutraliser la majorité flamande;
I. considérant que la Flandre doit chaque fois payer un prix pour acquérir plus d’autonomie, ce qui constitue une violation du principe d’autodétermination des peuples;
J. considérant que la Flandre n’a aucun intérêt au maintien de l’État belge et que ce maintien signifie une saignée financière annuelle pour les Flamands;
K. considérant qu’il n’existe pas d’intérêt belge général, de sorte que la Belgique ne peut pas davantage être une démocratie;
L. considérant que la Belgique est un État artificiel et que le moment est venu d’accorder aux peuples flamand et wallon leur indépendance;

DEMANDE AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL:

de prendre sans délai les mesures nécessaires afin de préparer le démembrement de l’État belge, pour que les trois communautés – Flamands, Wallons et Allemands – puissent suivre leur propre voie.
Tous les députés flamands (à l'exception du président de l'assemblée Herman De Croo), qu'ils soient de gauche ou de droite, ont voté la prise en considération de cette proposition, qui sera donc débattue à la Chambre ; tous les députés francophones ont voté contre.

Les partis démocratiques flamands prétendent qu'il ne s'agit que d'une question de forme, qu'ils permettent que cette proposition soit débattue mais qu'ils n'y sont pas favorables. Certes, mais le cordon sanitaire est rompu.
Voici ces partis qui, après la tuerie d'Anvers, déclaraient qu'ils ne laisseraient jamais faire le Belang, permettre quelques semaines plus tard au même Vlaams Belang de présenter à la Chambre des représentants de Belgique un texte anti-wallon prônant le démantèlement de la Belgique. La fin de la Belgique n'est donc même plus un tabou.

Les états binationaux (Tchécoslovaquie) ou multinationaux (Yougoslavie) finissent toujours par se séparer. Le seul contre-exemple est la Confédération Helvétique, mais celle-ci existe depuis 7 siècles. Il est dur de fonder un sentiment national commun en Belgique qui dépasse la famille royale, alors que les deux principales communautés ont une population du même ordre de grandeur (les néerlandophones sont un peu plus nombreux), et que chacune a un voisin illustre de même langue.

Le Vlaams Belang connaît un succès grandissant, non pas à cause de ses idées racistes, mais grâce à sa volonté séparatiste. Le scénario apparaît désormais inéluctable : les négociations communautaires de 2007 accorderont toujours plus d'autonomie aux régions ; dans quelques années (dix ? vingt ?), le séparatisme aura atteint un tel point en Flandre qu'un référendum y sera organisé, et celui-ci conduira vraisemblablement à l'indépendance de la région.

La question ne semble même plus être le maintien de la Belgique, mais davantage l'avenir des régions qui la forment.

La Flandre, avec ou sans Bruxelles ?
Si les extrémistes du Belang rêvent d'une Flandre incorporant Bruxelles (qui en serait la capitale) et même la Flandre française (la région de Dunkerque), les Flamands accepteront sans doute de lâcher Bruxelles si cela leur permet de faire accepter aux francophones la scission de la Belgique. Il serait de toute façon surprenant que la population de Bruxelles, très majoritairement francophone, accepte d'être rattachée à la Flandre. De fait, la capitale de la Flandre sans Bruxelles serait Anvers. La Flandre étant une région riche, elle peut subsister seule, et il est donc très peu probable qu'elle cherche ensuite à être rattachée aux Pays-Bas.

Bruxelles et la Wallonie, indépendantes ou rattachées à la France ?
S'il existe des mouvements "rattachistes", comme le Rassemblement Wallonie-France, la majorité des Belges francophones refusent pour l'instant la séparation de Belgique (ne voulant pas être lâchés par les Flamands), et donc plus encore un éventuel rattachement à la France ensuite. Il y a toujours eu une relation compliquée entre la France et la communauté Française de Belgique : les Belges ont un certain complexe d'infériorité : le monde fait plus attention à la France qu'à la Belgique, alors que les Français ne sont pas mieux qu'eux ; ils sont également énervés par un patriotisme jugé arrogant, sentiment renforcé par les fameuses "blagues belges" que racontent les Français. Alors que la France accueillerait sans problème la Wallonie et même Bruxelles, cette éventualité est pour l'instant ressentie comme une annexion, ce qui la rend impopulaire.
Cela ne permet toutefois pas de présager de l'avenir. La Wallonie est une région plus pauvre que la Flandre : elle pourrait être tentée de rejoindre la France pour maintenir son train de vie. Certains imaginent même de faire de Bruxelles, qui resterait alors seule, un district européen, sur le modèle de Washington aux États-Unis d'Amérique. Beaucoup d'hypothèses mais encore rien de tout à fait sérieux.

Commentaires

  1. Merci pour cette info qui, effectivement, était passée à peu près inaperçue.

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  3. Bonjour,

    Tout comme la Flandre, la Bretagne, la Corse, l'Alsace, L'Occitanie, le Pays Basque sont des nationalités (donc des Nations ) au sein d'états unitaires. Il n'a jamais été demandé à ces nationalités leur avis à l'appartenance de la Belgique ou de la France. La seule différence, c'est que les Flamands se sont battus pour défendre leur langue et leur culture et ils ont eu raison... Ce sont des nationalités distinctes du français, car ces langues ( elles ont une syntaxe, une grammaire, voire des nobels de littérature comme Mistral avec "Mireilla" pour l' Occitan), ne sont pas des variantes du français. Il est donc tout a fait normal qu'un jour ou l'autre, ces nationalité aspirent à plus d'autonomie, voire à leur indépendance. Si c'est fait dans une démarche démocratique ( référendum comme au Québec), il n'y a rien redire.

    Cordialement,

    Sébastien

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  4. Salut,
    Je fais partie de ceux qui sont arrivé sur ce blog grâce à son bon référencement sur le sujet de la scission de la Belgique ^^

    D'abord, je tiens à souligner qu'il est toujours agréable pour nous belges de voir (parfois :p) nos voisins porter de l'intérêt sur nos affaires nationales, alors même qu'elles sont plutôt complexe à aborder pour qui n'y a pas été baigné depuis longtemps.
    Je tiens d'ailleurs un blog sur le sujet du séparatisme en Belgique, Eigen blog eerst ! (le titre est en flamand mais le blog est bien francophone :p), pour ceux que ça intéresse...

    Ensuite, je n'ai pas le temps de répondre de manière complète à ce post (c'est pas l'envie qui m'en manque pourtant), mais j'aimerais juste réagir à un argument :

    des précédents récents en Europe nous montrent qu'un état binational (Tchécoslovaquie) ou multinational (Yougoslavie), ça ne marche pas.

    Ah bon ? Et la Suisse ? Le Canada ?
    L'Union européenne est-elle également condamnée en tant que projet supranational ?
    Je crois qu'il faut se garder de condamner la formule de l'état fédéral plurinational sur base d'échecs historiques concrets... Même s'il y a des similitudes, il y a surtout de grandes différences entre les différentes expériences de fédéralisme plurinationaux...

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  5. La Suisse, si elle est multilingue, n'est pas pour autant multinationale : la politique n'est pas du tout découpée selon des critères linguistiques.

    En ce qui concerne le Canada : au dernier référendum sur la souveraineté du Québec en 1995, le "oui" a totalisé 49,41% des votes (le non ne l'emportant que de cinquante-quatre mille voix), dont 60% chez les francophones… Donc on ne peut pas dire que cela marche réellement au Canada non plus.

    En ce qui concerne la Belgique, elle est passée d'un état uni à un état fédéral, devenant un état binational, la séparation semble inexorable à moyen-terme, et il est très probable qu'elle viendra du côté flamand.

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  6. Je te concède que la Suisse n'est pas découpée sur une base linguistique.
    Mais justement, c'est un modèle d'état "plurilingue" qui a su éviter de créer les conditions pour une logique d'affrontement des différentes communautés.
    Quant au Canada, ce n'est pas parce qu'il existe également des forces centrifuges là-bas que leur modèle fédéral "ne marche pas"

    Je maintiens ce que je disais : je ne crois pas que des exemples d'échecs historiques du fédéralisme suffisent à condamner le concept.

    Mais je ne nie pas que le fédéralisme centrifuge (comme en Belgique) part avec un handicap de taille : il naît sous la pression de mouvements autonomistes/séparatistes qui ne cherchent pas à créer un équilibre entre pouvoir fédéral et autonomie régional, mais qui se servent de cette formule fédérale pour faire passer leurs revendications.

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  7. N4oublie pas que Yves Leterme est le cousin germain par alliance de Jacques Brel ;)

    Paradoxe ;)

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  8. Mais le problème avec la belgique ne serait-il pas à cause de ces 6 gouvernements?
    La belgique n'est elle pas un pays pour politiciens et fonctionnaires?

    J'ai trouvé sur le net ces 2 liens vous en pensez quoi vous?

    www.4p8.com\eric.brasseur\administration_belge.html

    www.4p8.com\eric.brasseur\wallonie.html

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  9. @anonyme : vous avez déjà donné les liens, si les gens veulent lire ce qu'il y a sur ces liens, qu'il y aillent. Donc pas besoin d'en copier le contenu (extrêmement long) ici.

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  10. Dans la situation actuelle, la Belgique va dans le mur. Mais des idées plus créatives existent, comme cette proposition d'un fédéralisme à cinq régions faite ce w-e conjointement dans Le Soir et De Standaard :
    http://gramsci.eu.org/Plaidoyer-pour-un-federalisme-a.html

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  11. Quel gâchis ! Une seule chose qui doit être prise en compte, NOUS SOMMES TOUS CITOYEN DE LA PLANETE et non d'une entité !
    Méditez cela cela évitera de refaire l'histoire avec absurdité !

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